Un projet dangereusement inatendu

Département des mystères, Ministère de la Magie

Éric James Parry s'engouffra dans la foule grouillante d'hommes et de femmes pressés. Sa démarche était sûre. Il connaissait déjà trop bien l'endroit pour y porter attention: un plafond d'un bleu éclatant recouverts de signes dorés, des cheminées magnifiques où des sorciers ne cessaient d'entrer et sortir, et la magnifique fontaine d'or. Il enregistra bien vite sa baguette au bureau de sécurité et se dirigea vers l'un des seuls ascenceurs qui se dirigeait vers le bas. Seules quelques lettres volantes entrèrent avec lui. Il descendit un seul niveau plus bas, dans un couloir mal éclairé et silencieux. Parry apprécia tout de suite cette différence avec le niveau précédent.

La porte au bout du couloir le mena dans une pièce circulaire. Le Département des Mystères. La pièce ne tourna pas, car elle le reconnaissait. Il put donc s'avancer sans problème vers une porte à sa droite, menant vers la salle de la Magie, la section à laquelle il appartenait en majeure partie depuis plusieurs années.

La salle était relativement vaste. Tout au fond se trouvaient plusieurs instruments: une cage de verre vide assez grande pour contenir un homme, des projecteurs étranges, ainsi qu'une sorte d'énorme appareil photographique. Ce qui attirait le plus l'attention, c'était un phénix dans la force de l'âge, puis un deuxième, tout jeune et sans plumes, posés sur leurs socles. Quelques autres créatures magiques couinaient ou grognaient dans leur cage un peu plus loin. De l'autre côté, une toile blanche de projection était tirée, mais rien n'y apparaissait. Puis plus loin, un rideau noir était tiré, dissimulant ce qui se trouvait derrière, qui semblait être la partie la plus vaste de la salle, d'où des voix s'en échappaient.

- Parry! lança quelqu'un.

Un homme grand et maigre, assez âgé mais toujours vaillant, venait d'entrer par une porte de l'autre côté de la salle. Croaker. Il s'avança vers lui et lui serra la main. C'était le directeur de tout le département. Pour le saluer, Éric ne lui fit qu'un signe de tête.

- Bien. Je voulais vous parler dans mon bureau.

Curieux, mais toujours neutre, Éric le suivit jusqu'à son bureau, deux salles plus loin. Croaker l'invita à s'asseoir, puis lui sourit au dessus de ses mains jointes.

- Bien. Vous savez, Parry, que vous avez été un atout de taille dans l'avancement des découvertes sur la magie fondamentale, son fonctionnement et sa provenance. Vous êtes un homme intelligent. Je veux donc vous mener plus loin, et vous en donner les moyens.

Parry regarda l'homme devant lui dans les yeux. Lui en donner les moyens? Il attendait cela depuis longtemps... Il sentit une lueur d'espoir s'éveiller en lui. Croaker lui sourit à nouveau.

- Mais je ne parle pas de cette histoire de blabla avec les particules... J'ai un projet pour vous très intéressant... Je suis sûr que vous approuverez. Parry, je veux que vous créiez un magicentre artificiel. Je sais, c'est un projet énorme. Mais je vous fait confiance. Vous avez manqué d'ardeur ces dernières années, je n'ai pas cessé de vous le répéter. Mais vous êtes toujours resté le meilleur. Et j'ai foi que ce projet vous redonnera du poil de la bête. J'ai donc décidé de vous mettre à la tête du projet, et donc à la tête des opérations de toute votre section. Grâce à vous, ce projet verra naître l'invention la plus révolutionnaire du dernier siècle.

Éric Parry n'en croyait pas ses oreilles. Il était promu. Mais pour... quoi?! Un magicentre artificiel. Ce serait en effet révolutionnaire. En faisant cela, il serait reconnu dans l'histoire. Mais c'était aussi une idée folle, énormément folle. Mais selon son chef, beaucoup moins folle que sa recherche sur la conscience des particules. Il hésita un moment. Il avait son précédent projet à coeur, et voilà qu'il se le faisait enlever pour cet autre projet qui se révélait malgré tout... très intéressant.

Après de plus amples discussions, Éric Parry ressortit du bureau, enthousiaste. C'était un projet énorme et fou. Mais c'était justement ce qu'il adorait. Et il était promu, et subventionné qui plus est. Il s'autorisa même un sourire en retournant à son bureau.

Quelques jours plus tard

Dans la Salle de la Magie, les bureaux et les instruments avaient délaissé le milieu de la pièce pour être entassés vers le fond, laissant place à quelques chaises et a une petite estrade. Sur celle-ci, Éric Parry trônait, devant la toile blanche à projection et entouré de la cage de verre et de ses instruments les plus importants. Il était un peu nerveux, mais ne le montrait pas. Car devant lui étaient assis le Ministre de la Magie en personne, Darius Hennington, l'un de ses sous-ministres et son propre supérieur, Henry Croaker. Cela l'avait étonné, au premier abord, que le Ministre en personne s'intéresse à ses études. Bien sûr, le projet était très ambitieux, mais encore très incertain... Malgré tout, il évita de se poser des questions en ce moment précis, car il prenait son travail très au sérieux.

- La création artificielle d'un magicentre est une entreprise fort complexe, continua Parry, mais qui devrait néanmoins être possible. Pour ce faire, nous nous baserons évidemment sur le modèle naturel.

Le langue-de-plomb alluma le projecteur et vint se placer dans la cage de verre entourée de mécanismes complexes, qu'il referma. Immédiatement, on vit apparaitre sa silhouette sur la toile blanche. Mais ce qui ressortait de cette image, c'était des millions de petites particules blanchâtres qui se dirigeait un peu partout dans son corps, mais qui étaient surtout concentrées dans la région du cerveau et encore plus, près de son épaule droite.

- Ce que vous voyez, près de mon épaule, est mon magicentre naturel. Tous les sorciers en possèdent un, à un endroit ou un autre de leur corps. Les créatures et les plantes magiques en possèdent également un. Leur puissance peut varier selon les espèces et les gens, mais reste relativement la même chez tous les sorciers.

Il observa le visage du sous-ministre, qui semblait étonné et intéressé. Bien sûr, tout le monde ou presqie avait déjà entendu parler de ce magicentre, mais c'était sans aucun doute la première fois qu'il en observait un à l'aide de cet appareil.

- Le magicentre est encore quelque chose de nébuleux pour nous. Ce qu'on sait avec certitude, c'est qu'il attire les Particules, que vous voyez aussi sur l'écran et les concentre. C'est ce qui nous permet de contrôler les Particules, et donc de faire de la magie.

Éric Parry sortit de la cage en verre et ferma le projecteur.

- Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus, mais voilà en quoi consistera le projet: étudier en profondeur diverses sortes de magicentre ( végétal, animal et humain) et ainsi mieux comprendre leur fonctionnement. Ensuite, nous commencerons évidemment par essayer de copier les modèles les plus simples et ainsi de suite.

Il se tut. Le silence dura quelques secondes, puis les trois hommes à qui il venait de faire son exposé se levèrent.

- Très bien, très très bien, Parry, commenta Le Ministre Hennington. Voilà un projet ambitieux!

Il semblait très confiant, tout comme son sous-ministre près de lui. Parry vint les rejoindre.

- Mais dites-moi, Parry...Ce magicenre artificiel, comme vous le dites... Nous pourrons bien sûr le contrôler, n'est-ce pas?

Parry acquiesça.

- Nous tâcherons d'abord de reproduire le centre de concentration de Particules. Ensuite, nous essaierons de pouvoir le contrôler de manière simple, oui. Il pourra donc être très utile dans plusieurs domaines. En médecine, par exemple, il permettra d'emmagasiner une quantité de magie rapidement, pour effectuer des opérations de masse, et...

Le sourire du Ministre s'étira. Son sous-ministre l'interrompit:

- Cela pourra donc évacuer une quantité énorme de magie, sous le contrôle d'un seul sorcier et non de plusieurs, et sans se fatiguer?

Parry fit une pause. Il ne voyait pas trop où il voulait en venir. En fait, il commençait à avoir des doutes.

- ...Oui, c'est ce que nous pourrons faire... si nous réussissons, répondit-il.

- Très bien. Eh bien, j'en suis ravi! Il est évident que mon département investira dans votre projet.

- En effet, Parry, bon travail, dit le Ministre de la Magie.

Ils lui donnèrent tous une bonne poignée de main et sortirent de la salle après avoir échangé leurs salutations. Il resta donc seul dans la salle avec Croaker, son supérieur, pensif.

- Beau travail, Parry! On l'aura, l'argent qu'il nous faut! On les a dans notre poche. Ils sont très contents de ton travail.

L'homme semblait sauter de joie. Mais Parry resta neutre et l'interrompit:

- Croaker, qui était ce sous-ministre?

Henry arrêta ses compliments et ses exclamations.

- Donald Nelson, bien sûr... le directeur du Département de Défense et de...

- Vous voulez dire que ce type s'occupe de l'armée? l'interrompit aussitôt Parry.

- Si, bien sûr...

Parry n'en croyait pas ses oreilles. Ses études. Sa découverte. Il aurait dû y penser plus tôt. Ce magicentre artificiel serait la découverte de l'année, bien sûr, et servirait à plusieurs fins. Mais la principale, celle pourquoi le gouvernement l'appuyait... C'était pour l'armée, pour faire un bombe ou quelque chose du genre. Et ce magicentre ferait très bien l'affaire. Cela vaudrait l'équivalent de la bombe atomique chez les moldus... version magique. Ce serait une catastrophe.

- Je refuse de participer à ce projet, dit-il soudainement.

Ses paroles eurent l'effet d'un coup de poing en pleine figure pour son supérieur.

- Mais voyons, Parry. Tu étais si enthousiaste à propos de ce projet. Tu as même accepté de délaisser tes expériences stupides sur la conscience des Particules... Tu les as entendus? On fera une fortune, Parry. Ton nom sera recon...

- Je suis désolé, Croaker.

Éric se tourna vers ses instruments, moribond, et commença à défaire les branchages et à les ranger. Il n'avait jamais aimé Darius Hennington. Il était certain que l'argent était un peu trop sal dans ce ministère. Il n'était pas question que ses découvertes servent à de telles fins. Sous les paroles de Croaker, qu'il n'écoutait déjà plus, il continua de serrer toutes ses affaires et partit.

Appartement d'Éric James Parry, Londres

Bien qu'il faisait jour au dehors, les rideaux étaient toujours tirés. La lumière du jour ne passait que timidement entre les pans de tissus, éclairant faiblement la pièce. Il s'agissait d'un simple studio, simplement meublé et décoré. Bien qu'on pouvait sans peine retrouver de la poussière ici ou là, le tout était raisonnablement bien rangé. L'appartement était à l'image de son occupant: ordonné, un peu sombre, d'allure simple malgré une certaine aura de mystère.

Cela faisait quelques jours que Parry y restait sans sortir. Il n'avait plus aucune raison de le faire. Il n'avait plus d'emploi. Plus d'obligations. Pas même un ami ou un parent à voir. Ou du moins, il n'en avait pas la force pour le moment.

Assis à sa table, devant une tasse de thé qu'il n'avait pas touché depuis un bon moment, l'homme réfléchissait. Une sorte de vide l'emplissait. Il ne pouvait rien ressentir d'autre que cette émotion - si c'en était vraiment une. Tout c'était passé si vite - trop vite - durant les derniers jours. Et d'un coup il se retrouvait dans cette situation. Il n'était plus langue-de-plomb. Il n'aurait plus de financement pour ses recherches. Il n'étudierait plus les mystères de la magie. Cela avait été sa vie, ce pourquoi il s'était levé tous les matins. Et - il ne pouvait que s'en appercevoir maintenant - il avait même délaissé toutes les autres sphères de sa vie pour ce travail. Pas de temps pour l'amour, pour la famille ou les amis. Il avait été langue-de-plomb jusqu'à la moelle. Il ne pouvait pas se définir autrement.

Avait-il fait le bon choix? Il se le demandait encore.

Il repensa à ce qui l'avait poussé à le faire, comme ça, d'un coup. L'obligation de travailler sur un projet certes intéressant mais dangereux. Une participation aux magouilles du Ministère. Plus aucun financement pour ses propres projets, ceux qui lui tenaient vraiment à coeur. Un devoir de se consacrer à tout autre chose. Aurait-il dû se taire? Effectuer son travail sans penser aux conséquences, sans se considérer responsable? La tête dans le sable, comme une autruche? Après tout, si ce n'était pas lui qui le faisait, c'était quelqu'un d'autre. Et évidemment, tout ce chantage, ces menaces... Il en avait assez.

Parry se leva d'un coup et ramasse sa tasse à moitié pleine pour aller la porter à l'évier. Il ne le saurait jamais. À quoi bon y penser. Ce qui était fait était fait, aussi abominable que cela puisse être.

Il contempla son petit studio d'un regard circulaire. Il avait toujours su vivre modestement, car il n'avait pas besoin de plus. Mais il lui fallait absolument trouver un nouvel emploi. Même quelque chose de temporaire, en attendant qu'il trouve autre chose. Un emploi qui peut-être lui permettrait de financer lui-même ses propres recherches...? Il lui faudrait des années de travail...

Il soupira puis se dirigea vers la porte de l'appartement. Le journal devait être arrivé à cette heure-là. Il ouvrit la porte et se pencha pour le ramasser lorsque soudain, il entendit une voix devant lui.

- Belle journée, n'est-ce pas, Parry?

Il se releva lentement. Un homme était là, tournant sa baguette magique entre ses doigts. Il avait laissé la sienne à l'intérieur.

- Qui êtes-vous? demanda-t-il calmement.

L'homme sourit.

- Je suis envoyé par Croaker. Il voulait...que je vous rappelle les règles.

Les traits de Parry se crispèrent.

- Je connais très bien les règles, répondit-il.

- Si, bien sûr, je n'en doute pas. Mais il voulait ajouter certaines précisions.

Pendant qu'il parlait, l'homme s'était peu à peu approché de Parry. Il cessa de jouer avec sa baguette, la pointant sur son coeur. Son visage n'était plus qu'à quelques mètres du sien.

- Et...quelles sont ces... précisions...? prononça Parry extrèmement lentement, tentant de ne pas sciller au regard de son interlocuteur qui tentait de l'intimider.

Il avait l'impression qu'il savait déjà la réponse.

- Oh, elles sont très simples, répondit l'homme en souriant un peu plus. Les règles sont les mêmes. Mais, pour vous, mon cher Parry, les enfreindre serait... quelque peu plus problématique. Pour vous, bien sûr.

C'était bien ce qu'il pensait.

- Très bien, dit-il.

- Bien. Alors si le message est passé, je n'ai donc plus rien à faire ici. Au revoir.

Et il transplana. Seulement en cet instant, Parry s'aperçut que les battements de son coeur avait légèrement accéléré. Il laissa réchapper sa respiration. Puis, le journal toujours à la main, il referma la porte d'un coup sec.

Ces salauds.

Ils avaient fait une erreur en confiant trop vite et sans réfléchir leur projet à n'importe qui. Et apparemment, ils essayaient de réparer cette erreur avec des menaces. Cela ne fit que renforcer sa haine pour le Ministère et accentuer légèrement sa détermination quant à sa décision de démission.

D'un geste rageur, il jeta le journal sur la table de la cuisine et y donna un coup de pied. L'une des chaises tomba avec fracas sur le sol.

Il respira quelques coups afin de reprendre ses esprits. Mais quelque chose attira son regard.

À la première page du journal était inscrit dans la colonne de droite:

"L'école de sorcellerie Poudlard recrute"

Une étincelle jaillit alors dans son esprit.